Le recoin

C’est la période camping, les nuits je-dors-seule-dans-l-appartement-vide-et-sur-un-futon-de-trois-centimètres-aïe-ma-sciatique, la semaine comment-bouffer-sans-four-sans-micro-onde-sans-frigo-sans-couverts, les réveils dans-les-odeurs-de-peinture-fraîche-et-la-rumeur-d-un-quartier-pas-tout-à-fait-familier, les soirées débrouille-bouteille-de-vin-descendue-avec-une-amie-devenue-voisine-d-arrondissement…

J’ai fait mon Mc Gyver pour récupérer du wifi et très clairement, j’ai la tête à tout sauf au boulot. J’aime la lumière de mon nouveau chez-moi, j’imagine déjà la chaleur que j’y retrouverai pendant l’hiver et la quiétude du prochain printemps.

Dans la chambre, on trouve un recoin à l’angle aigü, où l’on ne peut rien mettre, « à part un petit bureau » - c’est du moins ce que je répète avec acharnement. Un petit bureau, juste de quoi écrire, poser l’ordinateur, gribouiller deux ou trois visages, ou aligner les kanji. Et un fauteuil confortable. C’est une minuscule cachette, le dos frottera les rideaux de cette fenêtre qu’on ne peut qu’entrouvrir. Quand on s’y terre, on n’est même pas visible depuis l’entrée de la pièce. J’aimerais que cet espace rassurant débloque l’indicible obstacle qui gèle mon cerveau et mes mains, et m’éloigne toujours de l’écriture…

Il me faut tenir à jour ce blog mais je suis si terrifiée par cet exercice infime, ridicule, grotesque que je doute d’y parvenir. Et puis, à quoi bon écrire quand on n’est pas lu ? Je suis de ceux qui noircissent des cahiers cachés à la vue de tous et défendent le plaisir d’écrire pour rien, mais mon effroi est si terrassant que j’hésite maintenant à aligner le moindre mot, qu’il soit clandestin ou découvert.