Prochaine étape ?

On est samedi, je suis loin du boulot qui m'étrangle, nous avons fait la danse de la joie ce matin midi en se réveillant avec l'homme et en réalisant que NOUS AVIONS ENFIN INTERNET A LA MAISON (la sensation nous était devenue étrangère), nous avons roulé-boulé sous la couette en se susurrant des choses d'amour à l'oreille, l'analyste nous a dérangé pour venir prendre toutes ses mesures dans l'appartement tandis que mon amoureux riait de mes yeux exorbités à la vue des chaussures (pleines des germes de la rue, pouah) de l'ingénieur foulant mon tapis avec nonchalance. La nuit tombe rapidement, mon colocataire est parti faire une course avec sa soeur et je l'attends tranquillement pendant que les tiramisu à la myrtille tiramisutent myrtillement dans le réfrigirateur. Puis nous partirons dans Paris à la recherche de sashimi frais et de tempura qui croustillent.

Ca fait longtemps que je ne me suis pas sentie aussi bien.

Peut-être parce que c'est la première vraie nuit que je passe à écraser, la première depuis des mois. Du genre à dormir treize heures et à se lever à contre-coeur, en réclamant davantage de sommeil. On a commencé à regarder les bureaux, pour avoir une table de travail, pour que je puisse aller racheter de l'aquarelle et m'imposer au moins deux heures de kanji par semaine. J'ai avoué hier que je n'en pouvais plus, de ce travail qui n'est pas fait pour moi, que j'étais presque prête à aller chez le médecin et à me faire arrêter, moi qui ne me suis justement jamais arrêtée, la bonne élève avec son année d'avance qui s'est battue pour être diplômée et engagée à 22 ans et qui réalise un peu trop tard que ce n'était pas vraiment ce qu'elle voulait. J'ai vomi dans les larmes à quel point je peinais à trouver ma place, et mon fardeau quotidien : cette conscience aigue que je ne trouverai jamais mon bonheur dans ce type d'entreprise et que je perpétue le parcours uniquement parce que c'est raisonnable.

Il m'a rassurée, m'a caressé les cheveux, m'a pris dans ses bras, m'a dit qu'après tout, je n'aurai qu'à me mettre au chômage puisque tant le font et que de toutes manières, je reprendrai sûrement plus rapidement que je ne l'aurai imaginé.

Ma prochaine étape, ce sera donc de m'arrêter.

Daido Moriyama, Miyanomori Art Museum