Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Dans les casseroles
Dans les casseroles
  • 23 ans, diplômée d'une grande école, en reconversion dans la pâtisserie. Aime la cuisine, la culture, faire chauffer ses casseroles et écrire sur celles qu'on traîne avec nous. Tatouée / gourmande / curieuse de tout /
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
18 août 2012

Cinq ans de migrations

A vingt-deux ans, heureuse propriétaire de toutes mes dents dont deux incisives bien marquées sur le devant, je me retrouve à faire des cartons. Je suis loin d'être la seule : les amis d'enfance, les grandes soeurs et les petits frères avec qui nous imaginions que le sable de l'aire du jeu était de la lave que nous ne devions fouler sous aucun prétexte et au risque d'être éliminé, les fils et filles de, ont tous rempli sacs et cartons de migration à un moment ou à un autre.

Certains sont partis à 50 km, d'autres à 10 000. Peu sont partis définitivement, beaucoup raisonnent en cycles... A l'heure des formations en tous genres, des restructurations économiques mondiales et des très mauvais conseils reçus au lycée par des conseillers d'orientation débordés, le jeu de chasse des vingtenaires et trentenaires bat son plein à travers le monde. Selon notre degré d'appréhension et ce qu'on sait de notre futur lieu d'habitation, on embarque le strict minimum ou à l'inverse, on remplit trois voitures. Au final, c'est un peu difficile de savoir où est la maison, puisqu'il manque toujours des choses, que l'on se sait passager entre les murs des appartements d'étudiants qui ont vu défiler des générations de filles et garçons destinés à s'en aller à un moment ou à un autre. Les murs peuvent témoigner des journées discrètes d'étudiants à peine sorties de l'adolescence qui se bordent et se chouchoutent en oubliant leur vague-à-l'âme... Les fines cloisons recouvertes de toile pourraient décrire les heures tardives devant l'écran de l'ordinateur qui brûle les yeux ; les fêtes débridées, les aliments qui pourrissent dans le frigo ; les muffins réalisés dans des conditions extrêmes sur le coin d'une kitchenette ; les photos et les posters qui rassurent, tels des totems ; les achats incongrus, comme cette télé géante à écran plat posée à même le lino d'un appartement quasiment vide, en face d'un vieux matelas sans sommier.


On découvre une ville en se doutant qu'on ne s'y installera pas. La moitié des affaires est restée "chez les parents". De cycle en cycle, on réalise un matin qu'on est plus un teenager, que cette catégorie sociologique n'est plus la nôtre. Silencieusement, nous glissons vers autre chose.


Moi aussi, à peine sortie du lycée, j'ai du partir à 200 kilomètres de la résidence familiale pour les études post-bac. J'ai découvert ce que c'est que de vivre près d'une plage de gallets ainsi que la permanence du soucis domestique. J'ai ramené quelques bouquins fétiches pour ne jamais me sentir trop dépossédée. Parfois, je mourrais d'envie de retrouver la douceur de la maison d'enfance, pour ne retrouver le week-end qu'un concentré d'amertume conjugale et de l'indifférence vis-à-vis de mes études. Il fallait composer...


Puis, il y a eu l'exil d'un an à l'autre bout du monde, et le retour dans l'hexagone qui a suivi. Le manque d'argent, les études à finir, les prix prohibitifs du logement dans la capitale parisienne... Retour au bercail, puisqu'on a pas vraiment le choix, dans ces cas-là, et qu'il faut composer. En juin dernier, finalement, on m'a remis un diplôme et j'ai trouvé un job dans la foulée : le premier véritable emploi, celui que je ne fais pas que pour des raisons alimentaires mais qui "s'inscrit dans une logique de carrièèèèère", qui ne nécessite ni port d'uniforme, ni gants en plastique. Amoureuse, j'ai voulu m'installer avec celui qui m'écoute, me caresse, voit parfois en moi plus clair que je ne le fais moi-même ; on en parlait depuis des mois.


Ayant déjà vécu seule, je ne m'attendais pas à ce que cette prise finale d'indépendance (la véritable, quand on bosse, qu'on remplit sa feuille des impôts et qu'on se tire pour de bon) me bouleverse à ce point.

Maintenant, il faut donc, pour de vrai, vider ma chambre d'enfant. Puisque je pars chez moi... dans un vrai chez-moi. Mon foyer affectif migre de quelques kilomètres... Qu'est-ce que je désire emporter ? Et qu'est-ce que je peux laisser derrière moi ?


Quels souvenirs ? Quelles questions ? Y a-t-il des colères qu'il faut abandonner ? Certaines méritent-elles au contraire que je m'acharne ? Quelles légendes familiales me font du bien, lesquelles me font du mal ?

Dans les cartons, j'entrepose, je doute, j'explose de rire, je pleure à m'en donner mal au crâne, je trie, je jette, j'emporte... j'écris.

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
A
Tu sais parler aux femmes toi...
D
ET BA VOILA!<br /> <br /> (et t'auras pas de commentaire plus long avant le 5° article!)
Publicité