Une vieille frustration

Quand j'avais quinze ans, je portais des superpositions improbables de vêtements, j'avais un piercing à l'arcade sourcillère droite et comme comme tous les ados du monde, quand j'étais super en colère (contre quoi, qui, aucune idée, par contre, j'étais souvent en colère) et que je savais que y'avait pas moyen d'aligner deux explications,  j'écoutais du rock très fort. Dans le bus qui me conduisait au lycée, il y avait - sur mon baladeur CD qui tressautait - : Dir en grey, Placebo, Mucc, System of a down, Nightwish, Lostprophets, Linkin Park et plein de trucs qui oscillaient entre le rock commercial assez pourri et du vrai métal qui faisait un peu peur à ma mère. Et il y avait le rock japonais qui déchirait sa grand-maman. Dir en grey largement en tête, genre tellement, tellement devant les autres, complétement addictif et brutal, une vraie tuerie.

Je m'étais battue avec d'autres pour qu'ils bougent leurs fesses en France, évidemment j'avais raté la date puisque c'était le jour du départ en vacances fixé par mes parents et qu'il y a des limites à tester l'autorité compétente à cet âge-là. Frustration intense. Du coup, j'avais pris un bus jusqu'à Berlin pour aller les voir en concert. Trop de rebellion dis donc.

Autant dire quand j'ai vu qu'ils revenaient en France là, en juin 2013, à la Cigale, quasiment 10 ans après que je les ai découverts, mon sang n'a fait qu'un tour.

Chère moi de 14 ans :

*inspiration*

TU VAS VOIR DIR EN GREY SUR LE SOL FRANCAIS ET T'AURAS MEME PAS A TE SOUCIER DU DERNIER RER !! HAUT LES COEURS !!

Et j'ai acheté deux billets. Parce qu'il se trouve qu'avec l'amoureux, on s'est rencontré lors de cette époque étrange, où on vibrait comme des tarés pour un nouveau single tokyoïte impossible à trouver sous sa forme physique en France, commandé à prix d'or depuis l'archipel. A l'époque, j'avais 5 kilos de masse graisseuse en plus, lui 5 kilos de muscles en moins. On se croisait dans des concerts surréalistes où des jeunes punks pogotaient comme des fous, croyant à peine voir leurs artistes préférés venus de si loin. Moi j'étais dans un groupe de rock tout pourri au lycée, comme chanteuse foireuse, et lui il embêtait tous ses voisins en apprenant la batterie... et on était qu'amis, et on se croisait, et on se perdait de vue, et puis finalement 6 ans plus tard, on a fini par emménager dans le même appart.

Du coup, depuis lundi, on est comme des mômes et on a entouré en gros la date du 13 juin sur le calendrier...

(Et pour la route, en souvenir de cet été 2004 particulièrement mélancolique :)